Notes de putsch --- oiseau de mauvais augure?
Au Niger, tous les regards sont braqués au Sud, à cause de la Cedeao; en Occident, ils sont focalisés à l’Est, à cause de la Russie. Mais le putsch crée également des risques internes au Niger.
Je disais, dans une note précédente, que dans sa politique sécuritaire, le régime renversé avait sa théorie du changement. Cette dernière passait notamment par le tissage délicat de relations avec les forces armées du nord Mali, djihadistes comme irrédentistes, afin de trouver les failles permettant de diviser les intransigeants de ceux qui étaient prêts à des compromis. Ce n’était pas un travail facile, car il touchait à des intérêts multiples — et pas seulement ceux des combattants. Par ailleurs, la junte de Bamako refusait de s’y impliquer, alors même que l’essentiel des tractations concernait des forces basées en territoire malien.
J’ignore à quel point cette approche avait des chances de réussir, mais elle avait obtenu des résultats qui vont à présent être remis en question.
Par ailleurs, pour la mener à bien, le régime s’était appuyé sur les communautés du nord Niger, dont les intérêts avaient, de ce fait, été pris plus en compte que par le passé (parfois de façon douteuse) — ce qui a, du reste, donné aux communautés du sud, et en particulier du sud-ouest, l’impression d’un déséquilibre injuste.
Le fait que le régime avait désactivé les canaux démocratiques à force de manoeuvres et manipulations “pouvoiristes” ne permettait pas de corriger cette impression, qui était pain bénit pour ses adversaires.
Mais la nouvelle réalité créée par la junte implique un risque d’embrasement dans le nord géopolitique du Niger et du Mali. Les facteurs à prendre en compte sont nombreux et complexes, si bien qu’il n’est pas facile d’évaluer le risque (i.e., la probabilité d’un embrasement comme les formes qu’il prendrait), dans un climat où l’enquête de terrain est, bien sûr, impossible.
La junte de Niamey, qui semble vouloir s’aligner sur Bamako, ne me semble pas capable de gérer un tel risque, surtout si elle doit, en même temps, faire face à des sanctions et à des négociations difficiles avec la Cédéao.
C’est le lieu d’espérer qu’on est simplement un oiseau de mauvais augure. Mais on ne sort pas du fait que seule une démocratie bien comprise et bien pratiquée peut servir de cadre politique à la gestion et à la résolution des crises du Sahel.