Il s’agit d’une entrée de journal en date du 17 Juin 2009, qui montre que la violence dans les campagnes du Sahel n’est pas une chose nouvelle — tout autant que l’ignorance et l’indifférence subséquente des citadins et des gouvernants. Pour mémoire, le “Tazartché” fait référence à la crise politique créée par la tentative de Mamadou Tandja de s’incruster illégalement au pouvoir au Niger cette année-là. La crise a tétanisé les citadins, mais sans doute guère les ruraux. Je ne fais pas plus de commentaire, la note parlant d’elle-même — sauf à dire que ce moment m’avait déjà donné le regret qu’il n’y ait pas de science politique ajustée à la compréhension des sociétés rurales d’Afrique (seulement de l’anthropologie, discipline si inutile en la matière).
Mercredi 17 juin 2009
Hier j’étais dans un taxi conduit par un jeune d’origine visiblement rurale, et écoutai la conversation qu’il avait avec un passager. Il est intéressant de transcrire d’abord cette conversation (conduite en zarma ou plutôt, vu l’accent, en songhay) pour mieux capter certaines nuances.
Je n’en prends qu’une portion (commentant une info radiophonique sur une échauffourée entre les nomades peuls et les agriculteurs haoussa dans la région du Damagaram):
Taximan (Tx) « Za wato wo to no kurkoyey da alfaray ga yange » (Les nomades et les agriculteurs en viennent toujours aux mains dans cette période de l’année).
Passager (Ps) « Cimi. Ba Zarmaganda sohon i go day ga car wi. » (C’est vrai, c’est ainsi aussi dans le Zarmaganda, ils sont en train de s’entretuer.)
Tx : « Saajo ra ga tabandi no hal manti moso, bor wiyon manti hay kul. » (La vie en brousse est si dure que tuer quelqu’un n’est rien.)
Ps : « Gomnoti mo si ga kanba dan. » (Et le gouvernement n’intervient pas.)
Tx : « Gomnoti ? Gomnoti go no no ? Ba Niamay wo ra a shi ga hay fo te sokku i ma ne koywey ra! » (Gouvernement? Mais y a-t-il un gouvernement? Même dans Niamey ils ne font rien, à plus forte raison dans les campagnes !)
Ps : «A bine i him ga hay fo te. Ba Arkur’ana ra i ne fitina kul no man to wo kan furu dumi hinka gama ra, danga kurkoy da alfaray. » (Et pourtant ils devraient faire quelque chose, puisque même le Coran indique qu’il n’y a pas de discorde plus terrible que celle qui peut s’élever entre deux races, comme les éleveurs et les agriculteurs).
Tx : « De Niijerieney ga alsilamataray gana no ? Alsilamataray ra sin da bor wiyon, wo din cafaray goyey no. Amma za ni koy saajo ra no ni ga di kan no din, din sinda gaabu I gin wi day no, i min arzaka sanbu. Niijer wo i ga ne in gay ma alsilamataray gana, in gay ma cafaritaray mo gana. A si hin ga te. A fo day no wor ga sanbu, zama ya cin ga wo har yon no i ga te kan ba cafaray sa te.» (Mais les Nigériens sont-ils des musulmans? L’islam empêche les homicides, ce sont là des actes de païen. Mais dès que tu vas en brousse, tu verras que, là-bas, si tu n’es pas fort, on te tue et on prend tes biens. Au Niger, on veut être à la fois musulman et païen. Mais ça ne peut pas marcher. Il faut choisir une voie, car cette manière d’être ambiguë mène à des actes que même un païen ne ferait pas. )
Ps : « Ginboray mo ba fo da laabo. » (Et les dirigeants s’en foutent du pays)
Tx: « Laabo go ga sara, zama sohon ba Niamay ra car wiyon go ga ba. » (Oui, le pays va à veau l’eau, car cette mode de tuer les gens commence à se répandre même dans Niamey.)
Ps: « Ay ga tamaha in gay wo “Tazarca” din day gi lakkal sanbu! » (Je crois que c’est cette histoire de Tazartché qui les obsède complètement!)