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Très intéressant d'avoir une tentative d'analyse de fond venant de "l'autre rivage", de celui qui considère le mensonge comme légitime.

Mais commencer par un contresens majeur n'est pas la meilleure introduction...

"Ne pas dire la vérité de façon intentionnelle" n'est pas mentir, c'est juste ne pas dire la vérité.

On pourrait reprendre votre formulation de façon apparemment plus objective, le mensonge étant "dire volontairement quelque chose que l'on sait ne pas être la vérité". Mais en réalité, cette définition inclurait aussi la blague, le conte, la fiction. Et justement l'impossibilité (ou au moins la très grande difficulté) à définir objectivement ce qu'est le mensonge, au-delà des conventions sociales qui font que l'on le comprend immédiatement, est un bon indicateur de ce que le concept est bien moins clair qu'il ne le paraît.

Pour un point qui fait si fortement friction entre sociétés et logiques de part et d'autre de la Méditerrannée (sans fétichiser cette barrière : la position envers le mensonge varie aussi très fortement en Europe), cela mériterait mieux.

Par ailleurs, "les gens mentent sans arrêt" c'est un peu manipulateur. Certes, je ne connais pas de société où personne ne ment jamais (quoique je connaisse mal, voire pas du tout, les sociétés nordiques), mais des gens qui ne mentent pas, cela existe. On peut se souvenir que les Parfaits préféraient mourir sous les tortures de l'inquisition que de mentir (on peut aussi noter que cela les a amenés à une argumentation créative sur ce qui constitue un mensonge ou pas).

Votre formulation initiale mets en lumière que vous semblez ne pas voir qu'il y a une énorme différence entre "mentir" et "ne pas tout dire", et je remarque que c'est souvent le cas chez ceux qui viennent d'une société validant le mensonge.

D'ailleurs jouer sur les mots, ce n'est pas mentir, la plupart des cultures le reconnaissent sans peine (tout en ayant des jugements variés sur l'honnêteté du procédé).

Cela affaiblit beaucoup vos remarques très intéressantes sur le lien entre mensonge et lien social, ainsi que (point que vous ne développez malheureusement pas) sur le mensonge comme façon détournée de dire la vérité.

Notamment cela invalide totalement votre partie sur la transparence : ne pas mentir ce n'est pas être transparent, on peut tout à fait être honnête et discret, ne pas mentir c'est ne pas avoir un faux visage (oui, je suis incapable de ne pas porter un jugement moral issu de mon conditionnement social, même lorsque j'essaye d'être objectif pour me hisser au niveau que vous cherchez à atteindre - c'est très significatif j'imagine de la façon dont ce sujet est au coeur de notre construction personnelle et sociale).

Une définition plus objective serait peut-être que ne pas mentir, c'est avoir une transcendance partagée, quelque chose que l'on place au-dessus de notre propre intérêt et qui nous lie aux autres puisqu'elle leur est accessible, mais d'une manière qui ne peut jamais être instrumentalisée contre nous, puisque ce lien est un lien lui-même transcendant, actionnable uniquement par l'honneur lui-même partagé (un ami peut exiger qu'on ne lui mente pas, un ennemi doit limiter cette exigence à ce que l'honneur commande qu'il sache).

Là où il peut y avoir une piste, c'est sur la contrainte sociale et la protection de l'interiorité. Le proverbe wolof qui dit que 'l'on peut forcer quelqu'un à fermer les yeux, mais pas le forcer à dormir" me paraît révélateur sur cette question : un de ses sens, clairement porté socialement dans nombre de sociétés ouest-africaines, est que le mensonge et la dissimulation sont le rempart d'une interiorité qui n'est pas par ailleurs reconnue comme une constituante inviolable de l'homme (et ne le devient donc que par la possibilité du/le droit au mensonge).

On remarquera également que le devoir d'honnêteté (qui, encore une fois, n'a jamais été ailleurs que dans des fantasmes inquisitoriaux un devoir de transparence) est à la base une valeur noble, dans tous les sens du terme; dans une société où seuls les nobles avaient droit à un certain respect de par leur seule essence. Et que c'est avec les revendications d'émancipation de tous qu'elle s'étend à tous les citoyens, comme marque de leur citoyenneté (je simplifie sans doute).

Il n'est sans doute pas anodin que "franc" signifie autant "libre" que "ne mentant pas"...

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